Bonjour Antoine, peux-tu te présenter stp ?
Bonjour, j’ai 29 ans, je vis en Bretagne et j’exerce le métier de juriste dans le domaine de l’innovation. Le sport, la nature et les découvertes régissent ma vie depuis tout petit. Je navigue entre sports de glisses (surf, stand up paddle, skate), athlétisme et préparation physique/crossfit. Plus occasionnellement, j’aime pratiquer d’autres activités nature comme la randonnée en montagne, le canyoning, le kayak, le VTT ou l’escalade.
Et concernant la randonnée ?
Je ne suis pas un spécialiste de la randonnée mais j’aime pratiquer cette activité le week-end ou en vacances pour découvrir des lieux insolites ou simplement prendre de la hauteur. Quoi qu’il en soit, j’aime l’effort de grimper à un rythme plus ou moins soutenu jusqu’à un sommet, un point de vue, une cascade, un cratère de volcan …
Mon expérience de la randonnée a débuté sur les sentiers bretons, avec la famille et les amis. Elle a pris un tournant en 2008 lorsque mon meilleur ami et son père m’ont proposé de réaliser le Tour du Mont Blanc (GR TMB) en autonomie. Né dans le valais Suisse, j’avais vécu jusqu’à mes trois ans dans le Jura et, finalement, je n’avais presque plus côtoyé la montagne jusqu’à cette aventure. Malgré un abandon du groupe au jour 4, j’ai vécu l’expérience TMB comme une révélation, avec une nouvelle fascination pour la montagne.
Depuis, j’ai eu la chance d’effectuer de très belles randonnées dans les massifs montagneux français, sur l’île de la Réunion ou plus récemment en Indonésie. Voici une petite liste de mes coups de cœur :
- TMB (Alpes)
- Ascension du Brévent (Alpes)
- Ascension de la Tournette (Alpes)
- Ascension de la Jonction (Alpes)
- Le sentier de l’Imbus (Verdon)
- Le tour des lacs d’Ayous (Pyrénées)
- Parc National d’Ordesa et Mont Perdu (Pyrénées Espagnoles
- Python de la Fournaise (Réunion)
- Trou de Fer (Réunion)
- MontBromo (Java,Indonésie)
- Mont Ijen (Java, Indonésie)
Des randonnées à nous suggérer ?
En dehors de ma région, je vous recommande mes randonnées coups de cœur citées précédemment.
En Bretagne, je vous conseille de vous aventurer sur le GR34 du côté du Cap Fréhel, de la presqu’ile de Crozon, du Cap Sizun, de la côte sauvage de Quiberon ou encore de Ploumanac’h / Trégastel (pour ne citer que les plus emblématiques). C’est une région étonnante de beauté et de diversité de paysages, sous le soleil ou sous la pluie 😉
Concernant ton GR20 : à quelle période et quel itinéraire ? Seul ?
J’ai réalisé le GR20 en août 2017, seul et en autonomie dans le sens Nord-Sud (Calenzana – Conca). Durée : 6 jours.
En réalité je n’étais pas en autonomie totale car, pour la nourriture, j’ai profité à de nombreuses reprises des ravitaillements pour éviter de surcharger mon sac.
- Jour 1 : Calenzana – Ascu Stagnu
- Jour 2 : Ascu Stagnu – Bergeries d’El Radule avec un détour par le Monte Cinto
- Jour 3 : Bergeries d’El Radule – Onda via la variante des crêtes entre Manganu et l’Onda
- Jour 4 : Onda – E Capanelle
- Jour 5 : E Capanelle – Usciolu
- Jour 6 : Usciolu – Conca via les variantes alpines de l’Alcudina et des Aiguilles de Bavella
Avec la météo très clémente et l’absence d’orages, j’ai opté pour des journées longues afin de profiter des paysages, des baignades et des échanges avec les randonneurs ou propriétaires de refuges.
Quel était le contexte de vouloir faire le GR20 ? Une préparation spécifique ?
J’avais le GR20 en tête depuis de nombreuses années mais l’opportunité d’organiser l’aventure avec des amis ne s’était jamais vraiment présentée. Comme de nombreuses personnes, j’imagine, le GR20 m’effrayait autant qu’il me fascinait : près de 180km de sentier, plus de 11.000m de dénivelé positif, des passages escarpés, des dalles glissantes, des chaines…j’espérais fouler un jour le GR le plus dur d’Europe, mais je n’avais pas forcément envisagé d’y aller seul.
Cette année j’avais à nouveau deux semaines de congés imposées en août et il était hors de question pour moi de rester inactif, même seul. Avec l’expérience des randonnées passées, une préparation physique régulière et l’habitude de pratiquer des activités de nature, j’ai décidé de me lancer dans l’aventure en solo. Les billets de ferry réservés, ce projet est passé de l’idée à l’obsession. J’écoutais les craintes et les histoires des proches avec attention, ce qui alimentait à la fois mes doutes mais surtout mon enthousiasme.
Comme je m’étais pas mal documenté sur les formules possibles pour réaliser le GR20, j’ai fait une synthèse des expériences des uns et des autres pour essayer d’établir mon propre objectif. Les bons marcheurs réalisant en moyenne le parcours en 7-8 jours, les bons trailers réalisant quant à eux le parcours en 3-5 jours, je me suis fixé un objectif de 5 à 7 jours pour réaliser le GR20 en solo et en autonomie, avec de la flexibilité en cas d’aléas (météo, blessure, etc).
Pour me préparer physiquement, j’ai réorienté mes entrainements hebdomadaires sur du travail de puissance pour supporter le poids du sac et affronter le dénivelé positif (squats, fentes, et exercices au poids de corps). Pour tenir les longues journées de marche et l’effort total, j’ai également travaillé mon endurance avec la course à pieds. Grosso modo, j’ai couru un peu plus régulièrement et augmenté l’intensité de mes séances de préparation physique. Pour le reste j’ai fait confiance à l’envie 🙂
Quel matériel avais-tu emporté ?
- Sac de randonné light Millet 35L
- Tente légère McKinley
- Sac de couchage 0° Quechua
- Tapis de sol autogonflant Quechua
- Chaussures de trail New Balance
Vêtements : 1 short, 1 cuissard, 1 collant, 2 t-shirts manches courtes, 1 débardeur, 1 t-shirt manches longues, 2 paires de chaussettes Stance, 1 casquette, 1 bandeau, 1 coupe-vent imperméable, 1 poncho imperméable, 1 veste polaire.
Accessoires : 1 lampe frontale Petzl, 1 gourde 1,5L, 1 gourde filtrante Lifestraw 1L, une longe de sécurité avec mousquetons, couteau suisse multifonctions, TopoGuides A travers la montagne corse, caméra Gopro, Iphone, trousse de soin (elastoplaste, pansements, antiseptique, paracétamol, amoxicilline, pansements ampoules, etc ..), nécessaire de toilette.
Alimentation : barres énergétiques, sachets pour boissons isotoniques, saucisson/ fromage, pain, fruits secs (pas de nourriture chaude ou lyophilisée imposant de prendre un réchaud)
Au total j’avais 12-13 kg sur le dos avec l’eau et selon les ravitaillements en nourriture.
Tes impressions positives :
Ma première impression : la montagne Corse est extraordinairement belle et je regrette de ne pas être venu avant. Même après quelques beaux voyages, je suis subjugué par ce paysage : on se retrouve perché entre les hauts contreforts rocheux d’un côté et la mer de l’autre. Des bas, la montagne semble aride et rocailleuse mais de l’intérieur elle offre des paysages verdoyants (pozzines) et de nombreux points d’eau (cascades, vasques, ruisseaux, lacs). Chaque journée à travers la montagne Corse a été l’occasion de découvrir de nouveaux paysages, de nouvelles couleurs, de nouvelles ambiances et en bonus de nouveaux lieux de baignade. Cette traversée restera un souvenir inoubliable.
Ma seconde impression : le GR20 est à la hauteur de sa réputation de randonnée la plus dure d’Europe (j’en garde une impression positive). Très vite, ça grimpe … fortement et longtemps, puis ça redescend tout autant. Il y a de nombreuses portions techniques : des dalles lisses et glissantes, des chaines, des éboulis, des pierriers, des passages aériens, des brèches, des arrêtes… tout y est ! Il faut gérer l’effort et les émotions en s’adaptant au terrain : cela en fait un challenge unique.
Ma troisième et dernière impression : partir en solitaire ne signifie pas subir la solitude, au contraire. Cet aspect de l’aventure a donné une saveur particulière à mon GR20. Il faut savoir que de nombreuses personnes font le choix de traverser la Corse en solitaire. Quand on est seul, par notre regard, notre attitude on est plus ouvert à l’échange avec les autres et finalement les discussions se font très facilement (peut être plus facilement que lorsqu’on est en groupe). J’ai apprécié échanger avec les randonneurs tout au long de cette traversée, que cela soit au moment de reprendre son souffle pendant une ascension, de profiter du paysage en haut d’un col, de profiter d’une baignade inattendue, ou encore de savourer une Pietra au refuge.
Parler avec les gens aura été une source de réconfort et de motivation pour aller au bout de ce GR20.
Des impressions négatives ?
Je n’en ai pas si ce n’est … les ampoules, les douleurs, la solitude (parfois quand même) ou la chaleur (avec la canicule) mais je ne les retiens pas vraiment comme des mauvaises impressions.
Ton plus coup de cœur ?
Mon coup de cœur restera incontestablement le jour 3 : des bergeries d’El Radule jusqu’au refuge de l’Onda via la variante des crêtes. Cette journée sur le GR20 restera gravée dans ma tête : le lac de Nino, la brèche de Capitello, le passage des crêtes au coucher du soleil, l’ambiance du refuge de l’Onda.
Après une nuit près du refuge des Bergeries d’El Radule sans pouvoir me ravitailler (refuge fermé et dépeuplé à mon arrivé le soir du jour 2), je m’étais contenté d’une baignade dans le bassin de la cascade d’El Radule pour faire ma toilette, et je n’avais plus de batterie sur mon téléphone pour contacter mes proches/prendre des photos. J’ai donc attaqué le jour 3 avec le moral dans les chaussettes jusqu’à atteindre le Castel de Vergio au levé du jour …. Deux cafés croissants plus tard, un téléphone rechargé et de la nourriture en poche, je suis passé de l’état de morosité à l’état d’euphorie. J’ai repris mon chemin pour atteindre le fameux lac de Nino : un joyau de verdure où règne une atmosphère paisible et ressourçante.
Après une baignade et un moment passé avec les chevaux sauvages, j’ai repris mon chemin vers le refuge de Manganu niché dans un écrin de verdure au pied des barres rocheuses : c’était l’occasion de profiter d’une baignade sous la passerelle du refuge et d’un bon repas parmi les randonneurs ravis d’avoir achevé leur journée. Après une heure de pause, je suis donc reparti sous un soleil de plomb pour grimper vers l’emblématique brèche de Capitello.
J’avoue avoir souffert de la solitude, de la chaleur et de l’hostilité du terrain (notamment dans les éboulis) pour atteindre Punta alle Porte mais, au bout, la récompense était de taille. Le point de vue sur le lac de Capitello était extraordinaire : ça été un moment intense du GR20 car l’effort couplé à la beauté du spectacle m’ont procuré des émotions uniques.
Je me suis promis de revenir un jour en SUP (stand up paddle) sur le lac de Capitello en hommage à un ami parti trop tôt.
En évoluant vers le refuge de Pietra Piana via la brèche et les arrêtes, c’est un des moments où je me suis senti le plus « en danger », redoublant de vigilance pour ne pas rater un appui : pas le droit à l’erreur en milieu-fin d’après-midi sans personnes dans les parages.
Je suis arrivé vers 17h30 au refuge de Pietra Piana, mon objectif initial : le site était bondé de randonneurs, sans doute à cause de la beauté du lieu et de la position stratégique de ce refuge (entre deux étapes difficiles). La météo était parfaite, j’avais pu recharger mes batteries après un bon ravitaillement, le Topo Guide annonçait 3h30 pour atteindre l’Onda par les crêtes …
Ni une, ni deux j’ai décidé de m’élancer sur le GR pour atteindre l’Onda à la nuit tombée. Là encore, j’ai vécu un des plus beaux spectacles offerts par le GR20, évoluant au coucher du soleil sur les crêtes balayées par les vents, avec un panorama à 360 degrés.
Puis j’ai emprunté de nuit la descente qui menait à l’austère mais animé refuge de l’Onda avec en toile de fond les chants des randonneurs rassemblés autour d’un ukulélé: instant marquant venu couronner cette journée inoubliable.
Un coup de gueule ?
Gros coup de gueule concernant les pratiques de certains professionnels de la montagne pendant la période de la crise incendie début août.
Suite aux incendies sur Cozzano pendant ma traversée, des navettes ont été mises en place à différents endroits pour contourner la zone en feu fermée par arrêté préfectoral (entre le refuge du Prati et Usciolu). Mais voilà qu’après la fin de l’incendie et la levée de l’arrêté préfectoral, le relais du col de Verde (avec l’aide du tenancier du refuge du Prati) n’a pas hésité à poursuivre la vente de tickets de navettes aux randonneurs : rétention d’information voire désinformation sur l’incendie et sur la levée de l’arrêté, arguments pour effrayés les randonneurs…. mais surtout beaucoup d’argent à se faire pour tout un réseau de professionnels.
Il a fallu faire le forcing pendant près d’une heure pour que le relais accepte d’appeler la préfecture qui lui a évidemment confirmé que le GR20 était ouvert depuis la veille. Cela faisait un sacré paquet de tickets vendus après la fin de l’incendie ! J’ai repris mon chemin mais certains avaient déjà acheté leurs tickets de navettes ce midi là…
Tes étapes et refuges préférés ?
L’arrivée au col de Pisciaghja le premier jour : ma première vraie sensation de hauteur et de petitesse face à l’élément.
L’ascension du monte Cinto le second jour : un symbole mais aussi un panorama grandiose pour lequel il ne faut pas hésiter à faire un détour.
La brèche de Capitello et le passage des crêtes vers l’Onda le troisième jour : des instants d’émotions fortes, perdu au milieu d’un paysage grandiose.
La descente vers Vizzavona et ses nombreux points d’eau le quatrième jour : un moment de partage avec d’autres randonneurs et des « ploufs » dans une eau cristalline.
Le coucher de soleil au refuge d’Usciolu le cinquième jour : un accueil chaleureux et professionnel des propriétaires du refuge avec, en toile de fond, les lueurs du coucher de soleil sur l’Alcudina.
La variante alpine des aiguilles de Bavella le sixième et dernier jour : une variante qui résume à elle seule ce que le GR20 peut offrir de plus beau.
As-tu eu un objet pratique de ton GR20 que tu pourrais partager ?
J’avais dans mon sac une gourde filtrante LifeStraw 1L : elle m’a sauvée de la soif sous les grosses chaleurs du mois d’août car elle me permettait de m’approvisionner en eau dès que je trouvais une rivière, un lac, une source non potable et sans être obligé de boire l’eau chlorée par la Micropure. Ainsi, je stockais toute l’eau que je pouvais, même non potable, pour la boire par le biais de cette gourde. Je recommande vivement ce système sur le GR20 mais aussi en voyage à l’étranger surtout lorsque la chaleur est un facteur clé.
D’autres conseils à partager pour ceux qui préparent le GR20 ?
Marchez léger, avec tout ce dont vous avez besoin mais uniquement ce dont vous avez besoin ! Le poids du sac est un facteur clé de réussite ou non du GR20, peu importe l’objectif.
De la même manière, marchez avec des chaussures que vous connaissez et appréciez : pour moi il n’y pas de règle sur le choix de la paire tant que vous vous sentez bien dedans. J’ai opté pour des chaussures de trail, basses, car légères et confortables pour réaliser mon objectif mais certains préfèreront les chaussures montantes, certes deux fois plus lourdes, mais plus sécurisantes, imperméables, etc. Tout est affaire de recul et de goût et il vaut mieux tester son matériel avant de s’engager dans la montagne.
Fixez-vous un objectif réaliste et flexible pour vous donner toutes les chances d’aller au bout mais aussi pour profiter des paysages, des baignades, des moments de partage, des caprices de la météo en montagne.
Enfin, prévoyez si possible suffisamment de jours en Corse pour aller explorer le littoral avant/après le GR20. J’avais avec moi Stand Up Paddle, Surf et matériel de snorkeling pour profiter des eaux chaudes et cristallines de l’île de beauté. Un régal !
Si tu envisageais de refaire le GR20, changerais-tu quelque chose ?
J’envisagerais de le faire avec un ou plusieurs proches pour partager cette superbe expérience, quitte à mettre plus de temps à réaliser la traversée.
Et j’essayerais d’éviter le milieu de l’été, période pendant laquelle la chaleur est harassante et les risques d’incendie élevés.
Envie de rajouter quelque chose ?
Merci à GR20 Blog pour cette interview et à très bientôt Ile de beauté !
Un grand merci Antoine pour ton retour d’expérience très complet ! Et donc à très bientôt, sur le littoral et / ou sur les cimes 😉
Slt Antoine,
Merci pour ce retour d’expérience qui ne fait que me donner un pue plus envie de concrétiser mon projet…Peux tu donner une idée du budget à prevoir ?
Merci d’avance
Patrick
Bonjour Patrick, je suis vraiment désolé pour mon délai de réponse.
C’est assez difficile de te donner un budget sans connaitre ton objectif et ta méthode pour l’effectuer: une traversée rapide te coûte nécessairement plus cher qu’une traversée plus lente, les nuits en refuges te coûteront également plus que les nuits en tente, la nécessité d’acheter du matériel sera un un gros poste de ton budget si tu n’es pas déjà équipée. Dis m’en davantage et je serai en mesure de te donner une fourchette approximative 🙂
A bientôt
Antoine