Thomas d’Ajaccio – Randonnée Calenzana – Ninu

Bonjour Thomas ! Peux-tu te présenter aux lecteurs stp :

Je suis infirmier, ajaccien, amoureux de mon île que j’aime découvrir et redécouvrir chaque jour. Je vis avec ma compagne Jessica.

Pratiques-tu des sports ?

Mes sports, ceux que je pratique sont le football, la marche, la course plutôt trail, la rando aussi bien sportive que découverte, en détente.

As-tu déjà une expérience de la randonnée ?

Cela fait 3 ans que je me suis mis à marcher, courir, en quête de nouveaux chemins, déjà ouverts, mais même des sentiers non battus.

Hormis une expérience de 4 jours sur le gr20 nord, mes randonnées se sont toujours limitées à la journée. Je n’ai pas de distance favorite. Je recherche le contexte, le lieu, le besoin de me dépenser, des points clés à découvrir (une végétation, une curiosité naturelle comme une arche, un relief, ou humaine comme un pagliaghju, une ruine, un pont etc.), des sommets aussi, que j’aime faire et refaire en toute saison. Chaque saison à son charme. Chaque météo aussi. En fait, j’aime découvrir, car je me découvre en même temps, je m’émerveille puis j’aime aussi partager ces moments, ces endroits, ces expériences avec ceux que j’aime, ou parfois avec des « compagnons de route », croisés sur l’instant avec qui on arpente le temps d’une journée un bout de chemin ensemble.

J’ai fait beaucoup de lacs ou pièces d’eau, plusieurs sommets comme l’Oriente, l’Oru, le Cintu, Ritondu, Rinosu, Capezzolu, d’autres au dessus de 2000 et plusieurs au dessus de 1500. J’apprécie autant le charme des « petits » sommets, côtiers comme de l’intérieur. Quelle merveille d’île !!

Outre le GR20, mes deux sommets préférés sont le Monte d’Oru et l’Oriente (nom donné à mon chien qui me suit partout), et ma plus grosse rando a été l’enchaînement Oriente, Zorpi, Palmentu, Monte d’Oru par la Scala puis redescente par l’Agnone. On se sent petits…

Peux-tu nous parler de ta randonnée Calenzana / Ninu ?

Calenzana / Ninu…Randonnée placée sous le signe de l’amitié, du bonheur simple, faite avec des amis que je fréquente depuis que j’ai 7/10ans et qui sont comme ma famille. On l’a faite début juin, sur 4 jours, en tente et refuge, à 7 (et mon chien Oriente, Border Collie de 11 mois alors)

Comment t’es-tu préparé pour cette randonnée ?

Pas vraiment de préparation, la marche et la course sont un peu le quotidien sans que cela soit travaillé ou entraîné. Seul l’envie de pratiquer et le plaisir que ça me procure sont recherchés.

Je mange normalement, sain mais sans me priver non plus. La plus grosse prépa a été psychologique, de savoir qu’une fois en montagne, la nature nous est supérieure et qu’il faut passer outre la fatigue physique, bien écouter son corps, le respecter, respecter aussi les éléments de la nature, ne pas les sous estimer et surtout, de me rappeler qu’on voulait le faire pour le plaisir avant tout.

Quel type de matériel avais-tu avec toi ?

Sac de rando Millet de 30litres, avec sursac étanche pour la tente et le sac de couchage, ainsi qu’un autre sur sac pour le matériel du…. Chien. Donc sa nourriture pour 5 jours soit 1kg500 environ plus ses produits de soins.

2,5 litres d’eau sur moi dont 2L en CamelBak, des barres protéines et fruits secs, un repas complet lyophilisé en cas de besoin, ma tente et mon sac de couchage donc. Des vêtements chauds, des crampons (début juin indispensable encore au dessus de 2000 selon météo) chaussures de rando gore tex et…. Espadrilles ! Pour le repos indispensable.

Un paquet de cartes de belote. Frontale. Bâtons. Environ 15 kg de poids en tout pour moi mais autonomie parfaite.

En rechange à peu près trois tee-shirts et caleçons (on faisait la lessive au besoin), deux shorts et un pantalon chaud, un collant, 5 paires de chaussettes. Un pull chaud, un technique Baselayer.

Médicaments et nécessaire survie évidemment.

Quelles sont tes impressions ?

Négatives… mon chien a fui dès le départ. Très vite. Sans collier GPS (je recommande donc ++++++)

Du coup je me suis cramé à courir avec mon sac pour le chercher pendant 5 heures…. Je l’ai retrouvé à ce moment là. Mais j’ai été soutenu et aidé par mes amis, dont certains ont pris sur eux de courir à leur tour quand je n’avais plus la force. J’avais bu toute mon eau, mon sac paraissait peser une tonne, et j’avais des crampes jusqu’aux orteils. Très dur d’arriver à Carozzu ce premier jour.

Mais conforté dans l’idée de l’aventure humaine qu’on se voulait, car jamais lâché par les miens, et le chien retrouvé en prime. L’aventure peut continuer.

Donc positives aussi, et surtout ! Tant que tout finit bien, l’aventure ne fait que renforcer. Notre mental, nos liens avec les autres, notre expérience aussi. Très vite récupéré après une bonne soirée à Carozzu ou nous avons été très bien accueillis. Et où risate et  belote ont duré jusqu’à l’arrivée de la nuit. L’eau en revanche…. Ce n’est pas humain cette froideur ! Tamanta risata là aussi où nos cris d’effrois ont surpris les autres randonneurs, finalement amusés.

La météo a été clémente dans l’ensemble et ne nous a privé que d’une après midi de marche, restant donc au refuge d’Ascu. On en a profité pour apprécier la beauté des lieux, jouer aux cartes, nous reposer, manger et rire.

J’ai aimé aussi qu’un randonneur de 20 ans de plus que nous fasse le chemin à nos côtés pendant 2 jours. C’est aussi ça le GR20, les rencontres et l’ouverture aux autres avec qui nous n’aurions probablement pas parlé dans un contexte plus citadin. Un continental d’ailleurs, venu de loin, mais dont la passion et l’amour de la nature finalement nous rendait plus proche qu’on n’aurait pu le penser donc dans un autre contexte.

Qu’as-tu préféré le plus ?

TOUT !!!!

Carozzu de la délivrance. La Spasimata. L’effort mental et physique. Peut être l’ascension des éboulis jusqu’à Bocca Cruceta. Quel bonheur. Mon chien vaillant. Et l’amitié. L’omelette brocciu panzette du Vallone dans le Stranciaccone.

Quelle est ton astuce et/ou l’objet pour mener à bien la randonnée ?

L’astuce ? L’écoute de son corps, la patience, savoir récupérer pour pouvoir repartir de plus belle surtout après ma dure première journée.

L’objet le plus important… tout ce qui est nécessaire à bien pratiquer la rando. Les barres de protéines et fruits secs sont vraiment efficaces. Le beurre de karité aussi. Compact et soulage immédiatement les irritations dues au frottement. Ca peut pourrir une rando. Je l’ai aussi sur une course de 45km !!!

Si c’était à refaire, que changerais-tu ?

UN COLLIER GPS POUR LE CHIEN !!!!!

Un message à faire passer ?

Rien. Peut être plus de produits locaux dans les refuges, surtout par honnêteté envers les touristes. Cela collerait avec le côté nature, et identitaire. A l’origine, on se nourrissait de ce que l’on produisait. Et non de jambons espagnols ou de krisprolls. Mais c’est du « chipotage », l’essentiel reste la nature et l’aventure solitaire ou humaine, en groupe, que l’on peut vivre.

Et le respect de tout cela à la fois. Le sauvage de la nature. Les différences d’un randonneur à l’autre, de niveau sportif comme de culture. Nous sommes tous au même niveau dans la montagne. Tout en bas.

Quel conseil tu pourrais partager à nos lecteurs qui préparent leur GR20 ?

De ne pas le sous estimer. Une condition physique minimum est exigée. Quoique de nombreux refuges existent et permettent de randonner à tout rythme.

Préparation mentale +++

Bien se remémorer que nous ne sommes que peu de choses face à la nature. On doit la respecter énormément, l’écouter, savoir s’arrêter quand elle semble nous dire qu’il vaut mieux attendre, et tant pis pour le programme de marche qu’on s’était fixé. Pour notre part on voulait rallier Vizzavona. Mais entre un jour de pluie et une entorse chez un ami… il faut savoir s’arrêter, pour rentrer tous en sécurité. Et recommencer plus tard. Le plus important c’est de le faire, apprécier ce que l’on voit, le laisser tel qu’on la vu. Et qu’on a rien d’autre à gagner que la chance de fouler ces sentiers et voir ce que la nature nous offre.

Envie de rajouter quelque chose ?

Pas grand-chose, si ce n’est que la Corse ne s’arrête pas qu’au gr20, et que pour ceux qui en ont le temps, il ne faut pas hésiter à s’écarter parfois de quelques heures de chemins pour découvrir les merveilles aux alentours. Il faut ouvrir les yeux, s’émerveiller comme un enfant. J’espère que si le gr20 est un objectif (même pour nous, tant il est mythique), il ne faut pas qu’il soit la seule finalité. Il faut le préserver et je me répète, ne pas réduire les variantes et autres sentiers, les autres petits sommets, à du non intéressant. Toute l’île à de l’intérêt.

Et quel que soit l’endroit arpenté, il faut le préserver. Le respecter. Et le laisser sauvage, nouveau, beau, propre, pour chacun qui viendra dans les mois comme dans les siècles à venir, et ne laisser de notre passage sur ces sentiers, que nos ombres, et le plaisir (ou la souffrance) qu’on a eu à y marcher.

J’ai ressenti cela plus que jamais en lisant un récit de Napoleon III randonnant sur le Monte d’Oru. Sa description de la randonnée est … identique à celle que l’on en ferait aujourd’hui. Paysages, pureté, émotions… tout le monde mérite de connaître ça un jour. Je prie pour que la mode de la rando de ces années ne viennent pas gâcher tout ça.

Merci Thomas pour ton retour d’expérience !

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