Florent 50 ans, charpentier dans le Var – son GR20 en août 2018

Bonjour Florent, peux-tu te présenter ?

Bonjour à tous, j’ai 50 ans et j’habite dans le Var, dans le golfe de St Tropez. Je pratique le vélo et le VTT en particulier, j’aime l’adrénaline que procure ce sport lorsque je suis dans les sentiers tortueux du massif des Maures. J’essaye tant que possible de pratiquer le VTT 3 fois par semaine (un peu privilégié avec la météo dans la région). Amoureux de nature, je fais beaucoup de photos et je suis aussi passionné de pêche à la mouche (truite et mer), qui m’emmène parfois dans de lointaines contrées sauvages (Nouvelle Zélande, Venezuela, Cuba…)

Je suis charpentier et passe donc le plus clair de mon temps dehors.

Déjà expérimenté en randonnée ?

J’ai depuis bien longtemps toujours pratiqué la marche en montagne, mais toujours à la journée, durant mes vacances (04, 05, 06). Pas vraiment un adepte de la randonnée pure, l’année dernière je suis parti 3 semaines dans l’Ubaye et le Haut Verdon pour randonner avec mon fils et nous avons grimpé notre 1er 3000m (Mont Pelat) ensemble, ce fut un vrai déclic de se retrouver au sommet d’une montagne dépassant toutes les autres avoisinantes et de pouvoir admirer toute cette beauté, un pur moment d’humilité où l’on prend pleinement la mesure de l’immensité et la force des montagnes. Lorsque je pars pêcher, je parcours bien souvent les rivières sur des kilomètres, obligé d’évoluer dans l’eau ou de franchir de grosses cassures en passant de blocs en blocs. A titre d’exemple j’ai marché 322 km durant 25 jours de pêche quotidienne en N-Z, portant un sac à dos de 7 à 15kg (matos photo et/ou affaires de bivouac), c’était magique !

Peux-tu nous conseiller quelques randonnées dans ta région ?

Même si ma région est essentiellement tournée vers le tourisme balnéaire, le massif des Maures réserve de bien nombreux « secret spots » fantastiques et très méconnus, alors que l’on est à 15 km de St Tropez.

Mais la région qui a mes faveurs en termes de randonnées reste les Alpes-de-Haute-Provence avec le Val d’Allos et son lac sublime dans le Parc du Mercantour et la vallée de l’Ubaye et ses montagnes Alpines mais accessibles. La vallée des Merveilles dans le 06 fait aussi fait partie de mes incontournables en termes de beauté de paysages.

Quid de ton GR20 : quelle période, quel itinéraire ? Seul ?

J’ai réalisé mon GR20 du 10 au 20 août. Je devais être accompagné et finalement je me suis retrouvé seul à marcher à 36h du départ ! J’avais prévu de le faire du Sud vers le Nord en 13 jours qui, au bout du compte, se sont condensés en 11, étant seul je n’ai suivi que mes sensations.

Pour la logistique, j’ai chargé mon gros scooter dans mon fourgon et lorsque je suis descendu du bateau à l’Ile Rousse, je suis allé le déposer à Calenzana avant de repartir dans la foulée pour Conca ou j’y ai passé la nuit pour partir à l’aube le lendemain. Ayant prévu 1 semaine de rab, je pouvais redescendre avec mon scooter sur Porto-Vecchio pour quelques jours de repos mérités…

Quel était le contexte de vouloir réaliser le GR20 ? Une préparation spécifique ?

C’est un reportage du magazine « Des racines et des ailes » de 2014 qui a été le déclic. A l’époque, mon fils avait 14 ans et devant son envie d’y aller, je lui ai promis qu’on le ferait ensemble pour ses 16 ans. A l’été 2016, n’ayant pas trop de temps, nous avons réalisé un petit périple de 4 jours entre Corte et Vizzavona. Conseillés et accompagnés d’un ami aguerri qui l’a déjà parcouru 12 fois dans les 2 sens et avec de nombreuses variantes (de temps et de parcours), nous avions reliés Corte à Manganu (Mare a Mare) le 1er jour, pour faire par la suite les 3 étapes du GR20.

Cette expérience réussie et enthousiasmante nous a fait promettre (mon fils et moi-même) d’y retourner mais pour faire le parcours complet cette fois.

2018 s’annonçait comme étant l’année choisie, peut être pas l’idéale en terme d’entrainement. En effet, ni mon fils, ni moi n’avons eu vraiment le temps nécessaire à consacrer au sport, je roulais toujours 3 fois par semaine et sommes partis marcher dans le Mercantour en mai, juin et juillet quelques week-end, mais pas plus.

Les billets de bateau ont été pris début juin. Parallèlement, mon fils a commencé à relâcher le sport, tout en étant très motivé apparemment. Nous sommes partis marcher en conditions (sac à dos chargés) une petite semaine avant le départ et j’ai senti qu’il « trainait un peu la patte » durant la rando.

Quelques jours plus tard, le voyant se désintéresser du programme, je lui ai dit qu’il n’avait qu’une seule question à se poser, qu’il ne devait surtout pas venir pour tenir sa parole ou pour me faire plaisir, mais uniquement pour lui et que seulement il en avait réellement envie. Car il allait lui falloir beaucoup de motivation et de persévérance pour que sa tête supporte les rudes moments et les doutes qui peuvent subsister en fin d’étape au début. La décision la plus sage fut prise afin, d’une : de ne pas le dégouter de l’envie de marcher en montagne et de deux : de ne pas prendre des risques et de nous pénaliser tout deux.

C’est ainsi que je me suis retrouvé seul à 30h du départ, alors qu’initialement, je ne me lançais dans cette aventure que pour le partage et la joie de faire des photos avec lui en montagne.

Quel équipement avais-tu emporté ?

J’étais parti pour être relativement autonome, pour se faire, je me suis équipé d’un nouveau sac à dos (le mien n’avait pas survécu à la Nouvelle Zélande, renfort alu de dos cassé !), j’ai donc opté pour un sac à dos de 50L type tendu, transpirant beaucoup par nature, il me paraissait évident de choisir un modèle qui me paraissait le mieux adapté à moi. La marque phare et que je convoitais avait un modèle hyper léger (1,100kg) pour 48L, je suis parti chez mon revendeur pour l’essayer…et je dois dire qu’il est primordial de le faire avant d’acheter son sac. J’ai été très bien conseillé, le vendeur m’a posé les bonnes questions (poids du portage prévu, durée, rando sur plusieurs jours…), au final je suis reparti avec un sac de la même marque mais pesant 2kg, tout en étant hyper confortable et se faisant « presque » oublier une fois chargé.

J’avais déjà un sac de couchage top et relativement léger, 780gr pour 5 degrés, ainsi qu’un matelas gonflable de 400gr, 1 oreiller gonflable confortable (170gr), 1 matelas mousse roulé (240gr), 1 sac à dos de 10L de trail ultra light (pour grimper au Cinto léger et à Paglia Orba).

La tente fut un investissement car je n’avais pas de tente ultra light pour 2 voire 3 personnes, j’ai donc très facilement revendu mes 2 tentes que j’avais pour en acheter une de 3 places de juste 1,180kg auquel j’ai rajouté le tapis de sol (180gr).

J’ai pris 2 tenues « courtes » (short, maillot technique, chaussettes doublées, caleçon) que je lavais chaque jour en arrivant afin qu’elles sèchent le plus vite possible.

1 pantalon, 1 maillot manches longues en mérinos pour la nuit, 1 doudoune (300gr), 1 Gore-Tex (250gr), 1 casquette et 1 bonnet (mis 1x), 1 maillot de piscine, 1 microfibres grande, 1 couverture de survie.

Pour la trousse de toilette, le minimum étant 2 mini savon de Marseille pour tout laver dans un sachet plastique étanche, 1 mini déo (avion), 1 brosse à dent et 1 petit tube de dentifrice. 1 bande électroplaste au cas où, quelques anti-inflammatoires en cas de tendinites (fréquentes chez moi), 4 Doliprane, bouchons d’oreilles en mousse (indispensables).

Pour manger j’avais pris : micro réchaud avec une petite bouteille de gaz (qui à tenue les 10 jours), mini bouilloire pliante, mug et bol (idem), couverts hyper light, 5 plats lyophilisés (le reste des repas étant pris sur place), 5 portions de viande séchée (50gr pièce) pour le midi, des barres de céréales (12), du café soluble, sel, poivre, épices dans 1 seul contenant, 2 briquets.

1 paire de sandales pas super light mais avec lesquelles je pouvais me déplacer chargé autour des refuges, 1 paire de chaussures de trekking light tige moyenne déjà éprouvées et portées, 1 tube de Nok, Compeed, colle cyanolite (qui n’ont pas servi).

Comme je partais pour faire pas mal de photos, j’ai pris 2,500kg de matos : 1 bridge Panasonic Lumix GX8, 1 zoom ultra grand angle 8-18mm, 1 14-140mm (qui n’a pas servi), 1 mini trépied avec une tête rotule (dont j’aurai pu me passer mais avec lequel j’ai fait des timelapses), 1 porte filtre+filtres (pauses longues pour les cascades, dont j’aurai pu me passer), 4 batteries, 1 chargeur USB. 1 batterie autonome de 20.000Ah (5 charges de tel+batteries photo, mais c’est lourd !), des câbles, etc…

Le tout était rangé dans 3 sacs de compression étanches très légers (en plus du rain cover du sac à dos).

Au final, j’étais trop chargé avec un sac de 14kg !!! Que j’aurai pu alléger à postériori à 11,800kg en faisant certaines concessions… que je ferai pour la prochaine.

J’avais emporté avec moi une gourde filtrante souple qui a été ma meilleure amie, m’évitant ainsi d’emporter avec moi 3l d’eau (3kg) dans mon CamelBak chaque jour. Je partais chaque matin avec 1L et refaisais 1L lorsque je rencontrais un ruisseau ou même une rivière (indispensable pour gagner du poids).

Tes impressions ?

J’avais prévu de faire des étapes plus longues que celles prévues officiellement, les 2 premiers jours ont été difficiles physiquement et moralement, j’accusais un peu le coup de partir seul tout en me disant qu’il n’arrive jamais rien par hasard, j’ai donc eu du temps pour ressasser certains doutes, puis au fil des étapes, la forme est arrivée avec la disparition des douleurs musculaires (relatives), tant est bien que j’ai attaqué le Nord avec de super cannes et j’ai fini avec un moral au zénith.

Les positives ?

C’était beau tout le temps – attention il ne faisait pas beau tout le temps 😉 – même si il faut penser à s’arrêter de marcher pour lever les yeux la plupart du temps.

Dans la grande majorité, les gardiens sont sympas, lorsque l’on sait les prendre peut-être ?

Le bonheur de traverser la Corse par son épine dorsale, en dominant presque quotidiennement des vallées magnifiques.

Du négatif ?

Peut-être un peu cher, même si l’approvisionnement à dos de mules n’est pas simple, certains gardiens tirent un profit de presque toutes les ressources qui sont sur place ou non.

La quantité de tentes mises à disposition pour ceux qui souhaitent voyager léger va peut-être finir par attirer certains novices et des comportements inappropriés en montagne (c’est déjà le cas).

Le manque de civisme de certains pratiquants, laissant leurs papiers (mouchoir ce n’est déjà pas cool, mais PQ là : c’est trop !) à même le sol et sur le sentier sans prendre la peine de les recouvrir d’une pierre ou de terre quand c’est possible.

Le summum : les mégots de clopes laissés au sol en haut des ascensions et sur les sentiers en général…Hallucinant ! Je ne dénigre pas les fumeurs, c’est déjà une prouesse d’avoir la capacité de fumer après un tel effort, mais bon sang : ramassez vos mégots !!!

Ton plus gros coup de cœur ?

Le silence de mes journées durant les étapes, seul au monde…

J’ai croisé plus ou moins de monde (entre 25 et 90 personnes), mais réparties sur des temps très court car chacun part pour faire son étape dans un créneau horaire assez petit (6 à 7h30 en général). Le reste de la journée reste silencieuse et c’est en arrivant à Calenzana que je m’en suis vraiment rendu compte et de l’importance que ça avait eu pour moi.

Tes étapes et refuges préférés ?

L’étape reste Manganu > Petra Piana que j’ai faite dans les 2 sens (2 ans d’intervalle), mieux cette année en faisant l’Onda > Petra Piana par les crêtes > Manganu. Le paysage et les panoramas sont sublimes, le surplomb des lacs de Capitellu et Melu et un peu de technicité vers la brèche de Capitellu et Bocca ale Porte, pour finir à Manganu et de pouvoir profiter de la rivière pour récupérer de la descente physique.

Florent Fraicher

Les refuges sont ceux situés sur les hauteurs, quel que soit le confort, on n’est pas là pour ça ! Juste pour en prendre plein les yeux et avoir la chance de dormir devant le plus beau des écrans géants : Ciotullu di i Mori, Ortu di u Piobbu, Prati et Petra Piana (même si je ne me suis arrêté pour dormir que dans 2 d’entre eux).

Un remerciement ?

Je ne peux que remercier mon ami qui m’a fait découvrir dans les meilleures conditions les 4 étapes du GR20 en 2016, ce qui m’a permis de le faire cette année. Il m’a appris à marcher chargé, à organiser un sac (équilibré), à porter et régler mon sac, bref : toutes ces petites choses qui peuvent vous faire passer des moments très difficiles s’ils sont mal exécutés, ou au contraire, vous faire passer des moments extraordinaires…

Quelques astuces à partager ?

Partir à 2 ou 3 c’est aussi l’assurance de diviser les charges (tente, bouffe, savon, dentifrice…50+10+150+30+200 gr… font très vite 1kg !)

La gourde filtrante souple pour remplir la poche à eau en cours de route a été mon salut, ne partant quotidiennement qu’avec 1l.

La technologie et les cartes IGN à toutes les échelles du 1/1.100.000ème au 25/1000ème, grâce à Iphigénie (payant à 10,95€/an) et le module pour réaliser les parcours (4,50€/an) sont à mon avis un « investissement » indispensable pour avoir le parcours constamment sous la main.

J’avais tracé chaque étape sur IGNrando’ et transféré dans mon téléphone avant de partir. J’avais par la suite chargé toutes les cartes, j’avais du coup le profil, distances, dénivelé de chaque étape en un clic et les cartes à toutes les échelles sans réseau, dispo à tout moment. Cela m’a permis de voir où je rencontrais de l’eau (ruisseau, rivière, source), de voir où j’allais en prendre plein les jambes avec la lecture des courbes de niveau, etc…et de ne pas me perdre dans la descente sur le col de Vizzavona par la variante et le labyrinthe de chemins et drailles qui partent de partout, avec ma position qui s’affichait en direct grâce au GPS du téléphone.

D’autres conseils pour ceux qui préparent le GR20 ?

Pour une 1ère expérience, il me semble peut-être plus opportun de le faire dans le sens Sud > Nord : étapes moins difficiles au début permettant une montée progressive des difficultés (tout est relatif), soleil dans le dos la plupart du temps (meilleure visibilité au petit matin pour voir les marques du GR, surtout en montée), pour faire les photos, moins de contre-jour.

Si tu envisagerais de le refaire, changerais-tu quelque chose ?

Partir avec 11kg max, quitte à faire l’impasse sur le portage de nourriture (ce qui sous entend une dépense plus conséquente).

J’ai prévu d’y retourner l’année prochaine pour un aller / retour sur 22-25 jours max : les panoramas et les difficultés sont tellement différentes d’un sens à l’autre (pour le défi sportif et pour méditer plus longtemps).

Envie de rajouter quelque chose ?

J’avais tellement le blues que ce soit déjà terminé lors de la descente sur Calenzana que je suis descendu en 3h, j’ai pris mon scooter et 1h30 plus tard j’étais installé, non pas sur une plage de Porto-Vecchio, mais au camping de la Restonica à Corte où j’ai pu randonner sur des sentiers (très peu empruntés) durant 3 jours à la découverte d’autres montagnes et pour finir je suis remonté sur le GR20 pour un court passage, en partant du parking des bergeries de Grattelle et en passant par le lac de Melu (à l’aube), de redescendre par la brèche de Capitellu sur le lac du même nom et de pouvoir « toucher » ces lacs sublimes avant que la foule ne s’en empare.

Lien du petit montage des différents timelapses que j’ai fait durant mon GR20 :


Merci beaucoup Florent
pour ton retour d’expérience très détaillé !

Je pense que ton fils a pris la plus sage des décisions. On ne doit pas se forcer à venir randonner en montagne, il faut en effet que la démarche soit volontaire. On est si jeune à 18 ans : il aura toute la vie pour ce genre d’expérience, et je crois comprendre qu’il aime aussi l’outdoor, alors… à bientôt à vous 2 ! 😉

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*