Lucie d’Angers – GR20 sud en solo, août 2017

Bonjour Lucie, peux-tu te présenter ?

Bonjour ! Je m’appelle Lucie, j’ai 30 ans et je vis à Angers depuis 4 ans. Pas très aventurière dans l’âme et pas spécialement une grande sportive, j’ai décidé de faire la partie sud du GR20 en solo un peu sur un coup de tête cet été !

Au bout de mon doigt, le refuge de Usciolu
Au bout de mon doigt, le refuge de Usciolu

As-tu déjà une expérience de la randonnée ?

Je n’ai jamais fait de randonnée en itinérance, je suis partie avec mon sac à dos il y a quelques années en Italie mais c’est une expérience qui ne m’avait pas vraiment plu (poids du sac, encombrement en ville, déplacement « lent »). Je n’avais pas réitéré depuis.

Je suis partie il y a deux ans dans les Pyrénées dans les environs de Gavarnie avec des amis pour faire de la randonnée à la journée, j’ai des souvenirs de paysages magnifiques et de vues incroyables, ou encore l’année dernière dans les Gorges du Verdon. A part quelques randonnées à la journée, je ne peux pas dire que j’ai une grande expérience de la randonnée …

Peux-tu nous conseiller quelques randonnées à faire ? Dans ta région ou ailleurs.

A Angers où j’habite, j’ai la chance de côtoyer la Loire tous les jours. C’est un fleuve incroyable qui change de visage avec les saisons. Il y a pleins de balades à faire dans les environs, entre bord de Loire et coteaux. Chaque année, début septembre, est organisé l’évènement Vignes Vins Randos en association avec les viticulteurs et des clubs de marche, ce qui permet de découvrir la région tout en dégustant du vin local. J’y participe chaque année !

Sinon, j’ai un souvenir incroyable d’une randonnée vertigineuse lors d’un voyage en Espagne dans le massif des pics d’Europe, la « Garganta del Cares », qui longe un canyon sur 12 km. Sensations garanties ! (mais sans aucune difficulté, il n’y a aucun dénivelé)

Quid de ton GR20 : quelle période, quel itinéraire ?

J’ai fait la partie sud du GR20 en août 2017 de Vizavonna à Conca. J’ai mis 7 jours comme préconisé dans les guides sans « doubler d’étapes ». Je n’ai pas hésité pour le sens Nord-Sud, je voulais terminer par la mer …

Avec deux compagnons de marche Aurélien et Mathieu au col
Avec deux compagnons de marche Aurélien et Mathieu au col

Je suis partie seule, mais j’ai rapidement fait des rencontres sur les sentiers et finalement, j’ai fini le GR à trois.

Quel était le contexte de vouloir faire le GR20 ? As-tu fait quelque chose de spécial pour le préparer ?

J’ai eu un début d’année 2017 assez difficile émotionnellement et peut-être que le cap des 30 ans a joué aussi, mais j’ai eu envie de partir seule à l’aventure, de me prouver que j’étais capable de réaliser un exploit sportif (à mon niveau) et de me débrouiller seule, et surtout prendre le temps de réfléchir en marchant. Je ne sais plus exactement comment j’en suis arrivée au GR20 mais tout est allé très vite. Lorsque j’en ai parlé pour la première fois à un ami, c’était 3 semaines avant le départ, puis la semaine suivante j’ai mis une option sur des billets d’avion, et 10 jours avant le départ je les ai achetés.
J’ai quelques ami.e.s qui ont fait le GR20 en entier ou en partie et j’avais compris que la partie sud était plus accessible et qu’à priori, avec mon niveau physique, je pourrai y arriver.

Dans mon entourage, les réactions ont été mitigées lorsque j’ai annoncé mon projet de partir seule. Certains m’ont tout de suite encouragés (notamment ceux qui l’avaient fait) et d’autres qui ne connaissent le GR20 que sous l’étiquette « un des plus dur GR d’Europe » ont été plus inquiets. A ce moment où j’étais en manque de confiance, j’ai préféré écouter les personnes les plus encourageantes pour garder la motivation !

J’ai pas mal épluché les blogs, forums etc. pour la préparation du sac notamment. Heureusement, je suis entourée de marcheurs et marcheuses et j’ai pu me faire prêter quelques équipements (tente, duvet, matelas). Il existe des listes toute faite sur internet et je m’en suis largement inspirée. J’avais bien noté aussi qu’il fallait tester ses chaussures et marcher un peu avant, ce que j’ai fait en allant au boulot deux fois par semaine à pieds (9km aller/retour que je fais en vélo habituellement). Je me suis vite rendue compte que mes chaussures n’allaient pas, trop petites. J’ai été en racheter aussitôt (je fais du 39,5 j’ai pris du 41) et j’ai continué de marcher pour « les faire ». Je prenais aussi mon sac de rando dans lequel je mettais un maximum de choses pour l’alourdir et m’habituer à le porter. J’ai d’ailleurs eu une douleur qui est apparue dans le bassin, ce qui m’a permis d’aller chez l’ostéopathe avant mon départ, je pense que j’aurai été très gênée sinon.

Je n’ai pas fait particulièrement plus de sport avant mon départ, aussi parce que je me suis décidée tard. Je vais tous les jours en vélo au travail (environ 10km par jour) et je fais un peu de running mais je n’ai pas été assidue ces derniers mois.

Quel matériel avais-tu emporté ?

J’avais un sac de 40 litres, je pense que ce volume est idéal ! Assez gros pour prendre tout ce qu’il faut et quand il est plein, il est plein !

Comme je l’ai dit, je me suis inspirée de listes de matériels sur internet et des conseils de mes ami.e.s. J’ai pris le minimum. J’ai pesé chaque affaire, culotte, chaussettes, coupe-vent, etc. C’était rigolo à faire car je n’avais aucune conscience du poids des choses ! Au final, mon sac pesait 11,5 kg à l’aéroport sans l’eau. A la base j’avais un objectif de 11kg avec 2 litres d’eau. J’ai eu beau faire le point plusieurs fois sur le nécessaire, je n’ai pas réussi à passer en dessous des 11kg sans eau (mais tout ce que j’ai pris m’a servi !). C’est très très important le poids du sac ! Pendant la randonnée, des personnes sont redescendues aux villages pour se délester de quelques kilos et envoyer leurs affaires par La Poste, d’autres ont carrément jeté des vêtements à la poubelle, ou encore j’ai rencontré un randonneur a fait un lot à un gardien de refuge (huile d’arnica, livres, caleçons, etc.) contre un repas gratuit 🙂

Bivouac au refuge de Prati
Bivouac au refuge de Prati

J’ai adoré retrouver mon duvet en plume super chaud (5°C) tous les soirs par les nuits fraiches. Je n’ai jamais eu froid alors que mes compagnons de marche ont eu souvent froid la nuit car leur duvet était moins performant.

Pour l’eau, sur les conseils trouvés sur des forums, j’ai pris un CamelBak d’un litre et une gourde d’un litre, ce qui permet de boire en continue en marchant sans avoir à s’arrêter pour sortir la gourde. Pour moi, ça a été essentiel pour bien m’hydrater étant sensible aux insolations et coups de chaud.

Pour les repas, j’avais choisi de manger en refuge les soirs pour ne pas porter de nourriture. Pour le matin, je m’étais fait mon granola maison (flocon d’avoine, noix de cajou, noisettes, amandes, raison sec, cramberries, sirop d’agave, le tout cuit au four). J’avais en complément des bananes et figues séchées. Le midi, c’était souvent saucisson et fromage corses achetés en refuge, et je complétais avec de la semoule aromatisée aux épices et un mélange apéro salé.

Les repas en refuge m’apportaient énormément d’énergie pour le lendemain, les portions sont très copieuses et je sentais que j’en avais besoin ! Si votre budget le permet, je vous le conseille vivement ce qui permet aussi de porter moins de nourriture.

J’avais une popote et un réchaud pour mon thé du matin, mais j’aurai pu m’en passer car très souvent il y a tout à disposition en refuge.

Sinon, à part la tente plutôt light et le super duvet qu’on m’a prêté, je n’avais aucun matériel particulièrement technique. A mon avis pas besoin d’être suréquipé si vous le faites comme moi tranquillement, il faut juste avoir les bons équipements au bon moment (polaire pour le soir, sac confortable et pas lourd, coupe-vent en cas de pluie ou vent, duvet chaud)

J’avais des bâtons de marche et je pense que c’est vraiment un plus que ce soit dans les côtes ou les descentes et dans les portions dites roulantes pour donner du rythme !

Tes impressions … positives ?

Mes impressions sur cette partie du GR20 sont très positives. Pour une personne comme moi qui n’est pas une grande sportive mais avec quelques capacités physiques, cette randonnée est tout à fait accessible si elle est bien préparée ! Je n’ai rencontré aucunes difficultés physiques pendant les 7 jours de marche. Le GR est super bien balisé, si vous ne voyez plus les traces pendant 5 minutes c’est que vous vous êtes trompé.e .

Je ne me suis jamais sentie seule sur les sentiers, on croise toujours du monde et les gens sont bienveillants. Dès le premier soir, j’ai rencontré plein de personnes qui m’ont partagé leurs expériences (car beaucoup venaient de faire la partie nord déjà). Ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est que sur le GR, on ne parle (presque) que GR ! On ne parle pas de nos métiers, de notre vie quotidienne, et plus globalement de notre vie personnelle. Rien de mieux pour couper !

Bien sûr les paysages sont incroyables et souvent la difficulté d’une montée s’oublie avec la récompense d’une vue incroyable à l’arrivée !

Le 3ème soir au refuge du Prati, il y avait beaucoup, beaucoup de vent ! La nuit a été très longue car le vent soufflait tellement que la tente se couchait sur moi. Vers 6h du matin pensant qu’elle allait cassée, j’ai décidé de tout remballer. En fait, je me suis rendue compte que tout le monde rangeait et en effet, des tentes ont cassé sous la pression du vent ! Ce réveil a été le début d’une folle aventure. Ranger une tente lorsqu’il y a des rafales de vent n’est pas évident, à la dernière sardine enlevée, ma toile s’est envolée, mais heureusement après un vol plané dessus j’ai pu la rattraper (j’ai bien noté qu’en cas de vent fort, il faut enlever les sardines en dernier !).

Comme j’avais sympathisé la veille avec deux frères bretons, Mathieu et Aurélien, qui faisaient aussi la partie sud du GR20, je leur ai demandé si on pouvait marcher ensemble vu les conditions météo de la journée (et on ne s’est plus quitté de l’aventure). Cette journée de marche sous une tempête de vent a été très éprouvante physiquement et psychologiquement car nous n’avions pas le droit à l’erreur. Le vent glacial nous soulevait, nous déportait et ne nous a laissé aucun répit pendant 6h ! On a marché à 4 cette journée finalement, Nicolas qui marchait seul aussi a préféré faire cette journée à plusieurs pour la sécurité. Le conseil que je peux donner aux marcheurs seuls, est de s’entourer en cas de mauvaises conditions météo.

Des impressions négatives ?

Je n’ai pas d’impressions négatives particulières, j’ai juste constaté que le GR20 était très propice à la rumeur. On s’est retrouvé au cœur d’une rumeur sur l’eau contaminée du refuge d’Asinau. C’était la psychose totale, les gens doublaient cette étape pour ne pas s’arrêter au refuge, un trafic de pastilles « micropur » s’était mis en place.

Petit dej à Usciolu
Petit dej à Usciolu

Finalement, après un discours touchant et rassurant du gardien, on a bu l’eau sans être malade. Mais entre les gens qui font le GR dans un sens, ceux qui doublent, les rumeurs vont bon train. Bref, à vous de juger et de vous faire votre propre idée sur les différents refuges et étapes !

Ton plus gros coup de cœur pendant ton GR20 ?

Au-delà de magnifiques paysages, du plaisir, de l’effort, c’est l’aventure humaine qui m’a plu.

Sur le GR on échange avec un Homme qui partage la même aventure et toutes les barrières sociales tombent, c’est vraiment un endroit propice aux belles rencontres. Rapidement chaque soir, on revoyait les mêmes têtes, on a commencé à sympathiser, à se retrouver pour diner, et parfois le midi pour une baignade improvisée au bord d’une rivière. Finalement, on a été un petit groupe de 10 à s’inquiéter les uns des autres et rire de nos aventures.

Je suis partie seule mais finalement, je n’ai marché seule que les deux premiers jours. Je ne pensais pas faire des rencontres en partant, j’étais plutôt dans une démarche spirituelle associée à un défi physique, mais les choses se sont fait naturellement et j’ai beaucoup apprécié partager cette aventure avec Mathieu et Aurélien.

Ton étape et refuge préférés ?

Je n’ai pas eu de refuges préférés, ils se valent tous à mon sens. Forcément, plus le refuge est isolé, plus les conditions sont précaires, mais plus la vue est magnifique. Prati et Usciolu offraient les plus belles vues mais les douches les plus glacées !

A Matalza, nous avons été très bien accueilli.e.s par Vanina la fille du gardien, elle a été adorable et le lieu est « cosy » (chaises longues à disposition).

La plus belle étape pour moi a été entre le refuge d’Usciolu à Matalza. On marche un moment dans la montagne sur des crêtes pour arriver dans un vrai coin de paradis, avec des rivières incroyables où l’on croise des cochons sauvages. Les randonneurs ont tendance à doubler cette étape car elle est courte (4h30) mais elle est tellement magnifique, je pense qu’elle vaut le coup qu’on s’y attarde la journée.

Vue de Usciolu
Vue de Usciolu

As-tu un objet / une astuce qui fut pratique durant ton GR20 ?

Le CamelBbak a été très important pour une bonne hydratation.

J’avais aussi un affreux chapeau (à moitié saharienne à moitié bob) mais qui remplissait bien sa fonction pour me protéger du soleil.

La réussite de mon aventure tient à mon avis dans le poids de mon sac et la taille de mes chaussures (zéro ampoule !). L’avantage aussi de voyager seule est que j’avais de la place dans la tente et j’ai donc bien dormi chaque nuit et bien récupéré.

Par contre, j’ai cruellement manqué de crème hydratante. Avec l’obsession du poids de mon sac, j’ai retiré tout ce qui me semble superflu. Mais malgré la crème solaire, j’ai pris quelques coups de soleil et je n’avais pas de quoi m’hydrater la peau et ça m’a beaucoup « tiré » au visage. J’ajouterai la prochaine fois une crème hydratante et un stick à lèvre à mon paquetage.

Si tu envisageais de refaire le GR20, changerais-tu quelque chose ?

Je pense refaire la partie du sud du GR20 dans quelques années, peut-être dans l’autre sens pour avoir une autre vision. Je ne changerai rien, mon aventure s’est bien passée.

Variante alpine de Bavella
Variante alpine de Bavella

Je souhaite faire la partie Nord prochainement (peut-être l’été prochain). Par contre, les récits de personnes rencontrées venant du Nord m’ont confirmé que cette partie était beaucoup plus technique et difficile. Pour la réaliser, je ferai une préparation physique plus intense en amont pour être en bonne forme et je tenterai un sac moins lourd encore.

Envie de rajouter quelque chose ?

Cette aventure a vraiment été très riche pour moi. Je la conseille vivement aux personnes qui auraient besoin de faire un break et de couper de leur quotidien. C’est aussi un moment privilégié pour se déconnecter dans tous les sens et qui permet de vivre son aventure pleinement et pour soi.

Enfin, je suis très heureuse d’avoir rencontré Mathieu et Aurélien avec qui j’ai passé de supers moments. J’espère que nous ferons d’autres randonnées ensemble. Peut-être la partie Nord ? L’invitation est lancée 🙂

Pour conclure « L’unique moyen de savoir jusqu’où l’on peut aller, c’est de se mettre en route et de marcher » – Henri Bergson.

Très belle citation Lucie, à l’image de ton retour d’expérience. Merci beaucoup pour ce partage !

Au plaisir de te relire pour la partie sud en sens sud-nord, et je te le souhaite aussi, pour la partie nord 🙂

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